Pluies torrentielles, vent fort et marée montante ont modifié le paysage à l'embouchure du creek où je n'ai pas encore osé jeter l' épervier que j'ai reçu pour Noël "Bordeaux, maison Larrieu, au numéro 51 de la rue Sainte Colombe, entre la Grande Cloche et le cours d'Alsace et Lorraine. Jean Louis Larrieu, l'actuel directeur de la firme - car il s'agit bel et bien d'une fabrique - n'aime pas que l'on parle de boutique. C'est comme cela pourtant que, par des objets présentés derrière des vitrines donnant sur la rue, s'annonce cette maison et se manifeste le pouvoir qu'elle a d'arrêter le passant : car ce que l'on y voit, ce que l'on y devine, est extraordinaire. Je n'en connais pas d'autre en France, ou en Europe. Il s'agit d'une fabrique de filets, de nasses, et plus généralement de tout ce qui sert ou peut servir à attraper des animaux vivants ou à les faire venir, les faire approcher .( ...) Oui, mais voilà, ce qui s'impose et saute aux yeux, dès la rue, dès cette rue du vieux Bordeaux, c'est une science infusée du paysage, ce sont des procédures de ruse et de lecture, ces sont des affects presque inconnus et secrets, liés à des lieux éprouvés comme des territoires et parcourus depuis des siècles : appeaux imitant la grive, la caille ou le sanglier, filets à papillons, cordages, épuisettes et autres outils pour la pêche à pied, mais surtout filets et nasses de toutes tailles et de toutes sortes, à grandes et à petites mailles, extensibles, souples, articulés."
Jean Luc Nancy, le dépaysement, voyages en France, Seuil
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